Trente écoles pour un forum de pratiques pédagogiques

La circonscription de Douai Cuincy est en pleine préparation d’un forum de pratiques pédagogiques. Il s’agira d’un grand rassemblement des 280 enseignants, où les écoles vont présenter à d’autres écoles des activités qu’elles ont repérées entre toutes.

Lieu d’accueil symbole du travail fructueux entre le premier et le second degré, le collège d’Auby va être bien animé en ce mercredi après-midi 18 octobre. En effet, tous les enseignants du premier degré de la circonscription vont s’y retrouver pour trois heures de formation. Vingt-six ateliers coanimés par les enseignants, une exposition de travaux d’élèves et des dizaines de fiches de présentation de pratiques seront présentés. Avec un objectif : le partage pour apprendre ensemble.

« C’est vraiment de la formation ? »
Certains enseignants ont posé cette question, et ils ont raison. Dans la vision commune, on va en formation pour « être formé », pour recevoir des savoirs, des indications de ce qu’il faut faire ou ne pas faire en classe. Pour avoir des documents, clairs, guidants. Il y a quelque chose de rassurant dans cette vision de la formation. Elle apporte des réponses. Et des réponses, on en a tous besoin, au moins un temps. Pourtant, les études sur le développement professionnel des enseignants montrent bien que ce qui influe le plus, c’est d’être partie prenante de sa formation et de ne pas la subir. Une autre étude montre qu’être investi dans sa formation aide à se sentir compétent dans son travail. Et se sentir compétent, ça aide tous les jours à se sentir plus fort, plus créatif, plus à l’aise, quand on se retrouve, seul, dans sa classe.

« On a besoin de concret »
Si l’on a besoin de se sentir compétent dans son travail, on a aussi besoin d’éléments concrets. L’an dernier, les enseignants l’ont beaucoup dit dans les questionnaires qui suivaient les temps de formations. Le concret, il est particulièrement présent dans les témoignages des collègues, dans le partage des pourquoi et du comment on a mis en place telle activité d’apprentissage, avec quels bénéfices et quelles difficultés. D’où l’idée qui a germé : organiser un forum où chaque école pourrait présenter à d’autres ce qui a été expérimenté et échanger avec les participants.

« Je partage, nous apprenons ? »
Les enseignants vont présenter au cours des ateliers un projet qu’ils ont mis en place : ceintures de réussite comme outil d’évaluation positive, cahier de vie numérique, projet verger et potager, école bilangue anglais allemand, construction des règles de vie, classe découverte comme projet coopératif entre CM2 et Ulis, quart d’heure philo en maternelle, et bien d’autres. La présentation sera suivie d’échanges avec les participants. Entre deux présentations, les enseignants découvriront des travaux d’élèves et des outils de présentations de diverses activités.

Qu’en retireront-ils ? L’objectif d’apprendre tous ensemble sera-t-il tenu ? La question sera posée aux participants et aux animateurs après le forum. Puisque s’impliquer dans sa formation, c’est aussi l’évaluer pour l’améliorer.

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Freinet aujourd’hui, sur la route des classes coopératives

Célestin Freinet : avec le nom de ce pédagogue viennent à l’esprit le texte libre, la correspondance entre écoles, le plan de travail et les classes coopératives. Les techniques Freinet sont plus que jamais vivantes. Rencontre avec Danielle et Marcel Thorel qui portent haut les couleurs de la coopération, jusqu’à l’école d’Esquerchin.

Danielle et Marcel Thorel

Danielle et Marcel Thorel

Danielle et Marcel Thorel ont fait partie de l’équipe qui a créé en 2001 une école de type Freinet dans le système public, à Mons-en-Baroeul, près de Lille. Pendant cinq ans, une équipe de dix chercheurs du laboratoire Théodile de Lille 3 a suivi cette école de neuf classes et son équipe toute neuve. Le pari lancé était, que de la mise au travail des élèves, selon des modalités particulières, découlerait un meilleur climat scolaire et de meilleurs résultats. Un pari réussi à bien des égards. Entretien du matin et plan de travail : ce sont deux dispositifs issus de cette expérience que Danielle et Marcel Thorel sont venus présenter à l’équipe pédagogique d’Esquerchin, intéressée par des pratiques de coopération en classe.

Les nouvelles du matin

Sur la table, un classeur avec des exemplaires du journal quotidien de la classe de CM1 de Marcel Thorel à Mons-en-Baroeul. L’enseignant se souvient. La journée commençait par «  l’entretien du matin ». Les élèves qui voulaient intervenir pour présenter une chose qu’ils avaient vue, entendue ou vécue et qui les avait intéressés, pouvaient s’inscrire à l’avance sur un tableau : pas plus de cinq élève par jour et pas plus de six minutes par présentation.Un enfant dirigeait l’entretien, prenait et donnait la parole à la classe pour des questions. L’entretien était pris en note sur ordinateur par l’enseignant, puis cette page quotidienne du journal était publiée, distribuée à chaque enfant le lendemain matin et lue en collectif. Dans ce journal, les élèves y étaient reconnus, photographiés souvent. « C’était aussi une manière pour l’enfant de tisser des liens entre les évènements présentés, de penser à rapporter un ticket de foot pour en parler le lendemain, de prendre de la distance avec son quotidien », précisa Marcel Thorel.

Réunion de l'équipe d'Esquerchin autour de Danielle et Marcel Thorel

Réunion de l’équipe d’Esquerchin autour de Danielle et Marcel Thorel

Cet entretien était aussi une éducation à la prise de parole. Deux sabliers cadraient le temps et les passages. « Il faut que le dispositif soit très sérieux, permette de veiller à ce que les interventions ne touchent pas aux choses intimes. Si les élèves posent des questions anecdotiques, l’enseignant intervient pour élever le débat parfois, pour conduire à plus d’abstraction. Pour les plus petits ou les plus réservés, il est préférable de ne pas forcer. » De cette manière, l’oral est entré peu à peu dans la classe, qui permettait de structurer sa pensée en trois minutes, dans un cadre protecteur. Au début, il était nécessaire de reformuler, mais à raison de cinq séances par semaine, les progrès étaient visibles. Ces prises de parole permettaient de mieux connaitre les représentations mentales des enfants sur certains sujets, pour partir d’elles et les faire évoluer. C’était une manière aussi d’apprendre les uns des autres sur des vécus différents, et de faire réfléchir à partir de ces vécus, soit pour apporter de la complexité, soit pour y mettre de l’ordre, soit pour conceptualiser : une inondation, c’était la notion de vases communicants ; le concert d’une chanteuse, c’était l’occasion d’une discussion sur les raisons pour lesquelles on s’identifie à une vedette.

Le plan de travail

Ce qui a été mis en place pour progresser, c’est à la fois du collectif et du travail individuel.

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Un autre dispositif très utilisé dans les techniques Freinet est le plan de travail individuel. A Mons-en-Baroeul, il l’était également. L’emploi du temps de la semaine était découpé en temps collectifs et en temps de travail individuel. Dans le CP de Danielle Thorel, trois plages d’une demi-heure de travail individuel étaient placées dans la journée. Les temps collectifs sont ainsi décollés du travail individuel qui suivra. Cela permet de sortir du travail identique pour tous, des exercices standardisés trop faciles pour certains, trop difficiles pour d’autres. « Ce plan de travail est préparé par l’enseignant, qui prévoit des fiches de travail, de la lecture silencieuse, des mathématiques, du texte libre. Le travail, individualisé, est disposé dans des tiroirs numérotés. Mais au début, tout le monde fait la même chose. Puis, le travail demandé se diversifie selon le niveau de chaque élève. Il faut peu à peu apprendre à travailler seul, à chercher les bonnes informations, rester concentré, inscrire les données au bon endroit sur sa feuille. », indiqua Danielle Thorel, qui a expérimenté le plan de travail en CP, dans la continuité de la maternelle où l’on travaille déjà par atelier, parfois autonomes.

Lorsqu’une fiche était terminée, l’enfant l’indiquait de deux barres dans son plan de travail et déposait la fiche dans le bac à correction. Si elle n’était que commencée, il l’indiquait par une barre. C’est un temps où chacun s’exerçait, tout seul. « Avec une discipline de fer », précisa monsieur Thorel, « discipline que chacun accepte parce qu’il apprécie de travailler tout seul et librement ». Comme toujours dans la pédagogie Freinet, chacun avançait à son rythme, de manière très modulée. Pendant ces plages de travail individuel régulées par le plan de travail, les enfants pouvaient s’entraider, sauf pendant les évaluations. A la fin de la journée, les cases se remplissaient, visiblement le travail avançait. Une fois par semaine, le conseil de coopérative permettait de faire le bilan sur le travail, le plan de travail représentant un contrat. Ce contrat pouvait être alors renégocié.

Pour les nouvelles du matin comme pour le plan de travail, l’important est donc d’avancer dans la réflexion, dans les apprentissages, dans l’autonomie. On avance toujours mieux lorsque l’on l’est motivé. Et Danielle et Marcel Thorel de rappeler quelques secrets de la motivation : savoir à quoi sert ce que l’on fait, pouvoir choisir ce que l’on va faire, avoir le sentiment de devenir compétent, avec des tâches ni trop faciles, ni trop difficiles à réaliser et, enfin, faire partie d’un collectif sécurisant. Sans doute en saurons-nous davantage, puisque Danielle et Marcel Thorel ont accepté de continuer d’accompagner l’école d’Esquerchin sur la route des classes coopératives.

Christine Vallin, inspectrice de l’éducation nationale

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Apprendre, cela s’apprend

Lundi 11 octobre, Jean-Michel Zakhartchouk, professeur honoraire en réseau d’éducation prioritaire et rédacteur aux Cahiers pédagogiques, est intervenu à Auby, devant soixante enseignants du premier et second degré. Le sujet ? Apprendre à apprendre.

jmzJean-Michel Zakhartchouk rappelle un axe directeur dans l’aide : il s’agit de prévoir dès le début le fait que les élèves auront à s’en passer, ou à être moins aidé. Un autre axe : le climat de la classe devra permettre aux élèves de se tromper et d’apprendre à ne pas réussir tout de suite et à chercher. Il ne s’agit pas de supprimer les difficultés, mais d’apprendre aux élèves à les affronter. Mais qu’est-ce qui va les aider ?

 

L’attention, c’est vital

Tout d’abord, chacun aura à s’approcher de la manière dont il s’y prend pour apprendre, et d’entendre d’autres manières, peut-être plus efficaces : « Se connaître, c’est utile. Savoir comment on apprend le mieux, c’est utile. »
Ensuite, il sera important de travailler sur l’attention : la dispersion est un ennemi. Pour autant, dire « faites attention ! » est inutile et même contreproductif si l’enfant met toute son attention… à être attentif ! Il conviendra alors de guider, de dire à quoi il faut être attentif, de repérer aussi les moments forts où il est bon d’être particulièrement attentif, comme au moment de la consigne.
Vient le problème de la mémorisation. Et Jean-Michel Zakhartchouk de préciser : « On sait aujourd’hui que la mémoire n’est ni un enregistreur, ni un appareil photo. Regarder ou entendre quelque chose ne suffit pas du tout à retenir. De même, la mémoire à court terme permet de retenir et réussir, mais seulement dans l’immédiateté. Il faut viser la mémorisation durable. Y revenir donc, plus tard. » Il faudra donc créer des liens entre diverses informations pour pouvoir les retrouver plus facilement dans sa mémoire à long terme.

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Dessin de Jack Koch pour le dossier « Neurosciences » des Cahiers pédagogiques

On sait aussi que ce qui se joue autour de la consigne est central : comprendre la consigne, ce n’est pas seulement comprendre les mots : « C’est essayer de comprendre pourquoi le prof a demandé telle chose et transformer donc les élèves en stratège. Faire reformuler, expliquer la consigne, chercher à déjouer les pièges, c’est investir sur la durée. » Posez donc ce problème à vos élèves ou à vos enfants : « Un poteau mesure un mètre à une heure. Quelle sera sa taille à quatre heures ? » vous serez surpris…

Moins d’efforts pour plus d’effet

Jean-Michel Zakhartchouk rappelle nécessaire de trouver la bonne vitesse : plus on donne du temps, plus cela risque de prendre du temps. S’entrainer alors parfois en temps limité. Et savoir à d’autres moments prendre le temps. Pour qu’ils aillent vite et au bon endroit, il est indispensable d’apprendre aux élèves à trier l’information, à chercher la source fiable en engageant à la méfiance et à la réflexion : « Des éléments décisifs pour développer l’esprit critique sur les réseaux. »
Reformuler est à la base de la compréhension, en user et abuser. Quant à la copie, il sera bon d’en faire un exercice habité, dans lequel l’élève s’investit, cherche à comprendre et ne fait pas qu’écrire mécaniquement. Se relire, s’autocorriger et puis s’exprimer à l’oral, devant les autres sont aussi des compétences utiles pour apprendre.

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Après le temps de la conférence, est venu un temps de travail en groupes, puis un temps de questions à l’intervenant : quid du travail à la maison ? Et Jean-Michel Zakhartchouk de rappeler que e n’est pas en supprimant une difficulté qu’on la résout : « Pour qu’il ne renforce pas l’échec, il faut que le travail soit préparé en classe et avec les parents, en les aidant concrètement à aider leur enfant (« quand il apprend une phrase, il la dit dans sa tête »). » La méthodologie pour apprendre, mais quand ? « Ne pas la considérer comme un à-côté, mais comme à la base du travail impliqué des élèves. L’intégrer, donc dans les activités, faire par exemple écrire des questions sur le texte à un élève. »

Cette formation fut un premier temps autour d’apprendre à apprendre. D’autres moments devraient jalonner l’année, dans le premier et dans le second degré, comme une passerelle entre les deux rives.

Christine Vallin

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Apprendre à négocier, pour mieux vivre ensemble

Lundi 10 octobre 2016, a eu lieu une formation intitulée « Gestion de conflits ». Qu’est-ce qui se cache derrière cet intitulé ? De quelles manières peut-on aider les élèves à éviter l’escalade qui mène à la violence ? C’est ce qu’ont expliqué François Ghoris, formateur OCCE, et Caroline Lamoot, administratrice OCCE, à un groupe de directrices et directeurs d’écoles de la circonscription de Douai Cuincy.

Francois Ghoris et Caroline Lamoot

Francois Ghoris et Caroline Lamoot

L’OCCE, Office central de la coopération à l’école, est une association bien placée pour former ainsi sur le thème de la gestion des conflits. En effet, si l’on coopère, le conflit pointera son nez à un moment ou à un autre. Parce que, comme l’a rappelé François Ghoris, aller vers l’autre se dit « ad gressere », agresser. Ce n’est donc pas tant le conflit que l’on va chercher à éviter, puisqu’il est inévitable dans tout groupe en marche, mais sa résolution par une autre modalité que la violence. Si le conflit fait progresser un groupe, une société, la violence sera toujours une souffrance imposée à l’autre.

Comment réagit-on aux situations de conflit ? François Ghorgis et l’OCCE discernent quatre réactions possibles : en le contournant, par la fuite ou la douceur ; ou en l’affrontant, par la force ou la négociation. Chacun fait comme il le peut, comme il sait le faire, en fonction de la manière dont il a été élevé, de ce qu’il a vécu. « La solution éducative et constructive, c’est la négociation. Et les outils de négociation que l’on transmet aux enfants sont parfois racontés le soir aux parents. Tout le monde avance ! », précise François Ghoris.

Des outils pour négocier

Mais comment faire ? D’abord, mettre en place différentes modalités de prévention. Laissons de la place aux émotions, positives ou négatives, puisqu’un besoin non satisfait engendre une émotion, et du conflit. Il est donc bon d’aider les gens à formuler les choses, à expliquer ce qui se cache derrière un affect. Ensuite, ce qui crée de conflit, en premier lieu c’est de croire que l’autre est pareil que soi. Il convient plutôt de chercher la différence et de voir ensuite de quelles manières nous pouvons être complémentaires. Reste aussi à donner des outils aux enfants pour qu’ils entrent dans la négociation. Caroline Lamoot en présente : « Par le message clair, l’enfant dit à l’autre ce qu’il a vécu, son émotion, et il termine par « est-ce que tu m’as compris ? » On peut aussi former des médiateurs enfants (qui reformulent les prises de parole, qui demandent s’il y a une solution proposée, si l’un et l’autre sont d’accord), ou installer un banc de la médiation, une trace écrite anonyme de médiation. »

Document OCCE

Document OCCE

Une chose ressort de cet après-midi de formation et de réflexion des directrices et directeurs d’écoles : si l’on s’est placé en situation de confrontation à des situations de conflit, en devenant directeur, ou en étant enseignant, c’est peut-être parce que l’on se retrouve en mesure d’aider les autres à gérer leurs conflits. Ne pas subir le conflit, et  pouvoir donner aux autres les moyens d’agir. Aider ceux qui sont autour de soi, au fond, à mieux vivre ensemble.

Christine Vallin

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