LA SCOLARISATION DES ENFANTS DE MOINS DE 3 ANS sous l’œil d’Isabelle Bastide

Conférence du 16 octobre, au collège Jean Moulin de Flines-lez-Râches,

Isabelle BASTIDE est d’abord enseignante en petite section mais elle est aussi directrice d’une école maternelle située en REP. Elle participe à différentes recherches centrées sur la scolarisation des enfants de moins de 3 ans.

 

 

En préambule de son intervention, Isabelle Bastide rappelle que l’entrée en maternelle peut être violente pour un enfant, qu’il sera confronté à des adultes qu’il ne connait pas, qu’il devra construire des nouveaux repères. Il faut donc tenir compte de ces critères pour que cette première scolarisation soit réussie. Le cadre est ainsi posé.

Ce qui anime Isabelle Bastide c’est de mettre en place un projet particulier d’accueil de ces enfants de moins de 3 ans car ils ont des besoins spécifiques, qu’il faut accompagner par des activités spécifiques dans un espace classe revu.

Les besoins spécifiques relèvent de quatre domaines : les besoins moteurs, les besoins physiologiques, les besoins psychoaffectifs et les besoins sociocognitifs. Ils sont tous contradictoires. Les enfants ayant des rythmes de développement différent, il faut accepter de perdre du temps.

Très vite, et avec beaucoup d’humour, Isabelle Bastide aborde les questions qui fâchent : la propreté et les doudous.

Pour Isabelle Bastide, la propreté ne doit pas être un frein à la scolarisation. Pour cela, elle met en œuvre un projet adapté et établit un dialogue très clair avec les familles : ce n’est pas à l’école d’apprendre à l’enfant à être propre, c’est à la famille ! Elle propose donc de les scolariser avec des couches culottes. C’est un gain de temps considérable en cas de changement. D’une part, c’est plus facile et l’ATSEM ne passe pas son temps aux toilettes, elle a beaucoup sa place dans la classe !

De même, pour un enfant de cet âge-là, se séparer de son doudou ou de sa tétine est difficile. C’est donc un véritable enjeu d’apprentissage qui doit être mené de façon progressive tout en douceur.

Puis elle aborde l’accueil de l’enfant au quotidien. C’est, pour elle, une étape essentielle qui doit l’aider à construire des repères, des habitudes. L’enfant doit se sentir attendu. Il est donc important de construire et de penser ce temps avec l’ATSEM et d’échanger avec les familles.

Et bien évidemment la communication avec les familles prend tout son sens : il s’agit d’écouter ce que les parents ont à dire au sujet de leur enfant, de répondre à leurs interrogations au sujet de l’école, d’échanger sur la scolarisation (progrès, évolutions…), de développer et d’accompagner leur intérêt pour le parcours scolaire de leur enfant. Cela demande du temps et doit être conçu non seulement en amont et, faire de sa classe un espace qui peut s’ouvrir aux familles. Isabelle Bastide met en place des outils adaptés, répondant aux besoins des familles. Ainsi, on peut voir une boite des parents ou de la maison, un mur des parents sur lequel des photos servent à rassurer les enfants et surtout à déclencher des appétences pour revenir, pour en parler. L’atelier des parents, qu’elle met en place vers la fin de 2ème période leur permet de s’impliquer dans la vie de la classe. Tout ceci demande encore du temps mais permet de construire une communication durable avec les familles.

Mais le domaine dans lequel Isabelle Bastide surprend le plus, c’est l’aménagement de la classe. Sa classe peut interpeler bon nombre d’enseignants de maternelle ! En début d’année, ni tables, ni chaise, ni coinsD’ailleurs à ce terme à connotation négative, elle préfère celui d’espace. Et dans chacun de ces espaces, son objectif constant est LE LANGAGE. Elle prend également le temps d’observer ses élèves car pour Isabelle Bastide, cela lui permet de répondre au plus près à leurs attentes et de voir leurs progrès. Il est aussi question de bienveillance, d’encouragement et de mise en confiance.

Cet aménagement de classe évolue au fil de l’année. On peut y voir apparaitre des cabanes puis progressivement du mobilier scolaire qui permet d’entrer dans des activités plus codées. L’espace regroupement arrive en fin d’année scolaire car il représente « le passage » dans la classe d’après : « On fait comme les plus grands. »

On peut donc voir un espace graphique, un espace créatif, un espace sensoriel, un espace technique, un espace de construction…

 

 

 

Isabelle Bastide a également réfléchi à la gestion du temps, notion très abstraite pour les petits. Elle a donc une organisation souple, elle varie les modalités de travail, elle propose des activités courtes et pense également aux temps de repos.

Ses propos se terminent sur l’évaluation : évaluer, c’est d’abord OBSERVER. Elle le fait à l’aide de grilles qui permettront d’établir une « biographie de l’élève ». Elle met en place un livret de suivi des progrès en langage constitué d’une partie pour l’école et d’une pour les familles.

Les enseignants présents ont été parfois surpris, parfois perturbés mais ont eu la chance d’écouter une intervention de qualité, qui a le mérite d’être étayée non seulement par des travaux de recherche mais aussi par un quotidien au service des enfants et de leurs familles et par un sens de l’engagement. Cela les a sans doute bousculés dans leurs pratiques et devrait les amener à repenser l’accueil des moins de 3 ans.

Merci Isabelle Bastide pour ce moment très enrichissant qui aura permis à certains enseignants de repartir avec des interrogations plein la tête, des idées aussi, à d’autres de provoquer le début d’une réflexion ou encore pour quelques-uns l’envie de changer leurs pratiques de classe.